John J. Decker
John Decker fit un rêve étrange, durant lequel une noirceur intense lui lécha le
corps et l'âme. Quand il se réveilla, il put constater que tout son corps était
noir, et n'avait plus la même consistance. Il pouvait passer au travers de
lui-même, n'avait plus ni faim ni soif ni sommeil, mais il y avait la douleur.
Une douleur plus forte que tout, qui lui vrillait l'esprit, "besoin de
quelque chose", sans savoir ce que c'était, à demi-conscient il sortit de
chez lui en titubant...
Dans
la rue, vêtu n'importe comment, errant au milieu des ombres citadines animées,
il pouvait apercevoir au bout de la rue une lueur, c'était celle d'une jeune
femme, belle et resplendissante de vie... Oui, il y avait de la lumière autour
d'elle, et c'était ça... il le fallait...
Il
ne sait pas comment il pu atteindre l'horizon de la rue en un seul instant. Il
ne sait pas comment l'immense boulevard devint d'un coup désert. Mais il sait,
de ses doigts d'ombre perçant la peau de sa victime, instinctivement dans la
nuque, effleurant le bulbe à la base du cerveau, l'éclat de lumière, et la
manifestation l'éblouit. La traînée vaporeuse luminescente dansait alors dans
le corps inerte de la victime, il n'eut plus qu'à la saisir, et à aspirer
lentement les volutes jusqu'à ce qu'il n'y ait plus rien qu'une coquille vide aux
longs cheveux d'ombre.
Un
cri réveilla son voisin du dessous, le lendemain, le sien. Il y avait une
violente et profonde répulsion au fond de la gorge. Mais s’il ne pouvait
s’extraire de son corps, l’envie, et plus encore, le besoin, le poussait à se
trouver. Il y eut de nombreuses nuit d’errance. Chaque matin apportait sa victime, morte en pleine rue ou ailleurs, aucun témoin, arrêt des fonctions vitales,
point. A la question du meurtre, un policier par flemme répondit non.
A suivre...